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Au cours des dernières décennies, l’on a beaucoup parlé de l’origine psychosomatique possible de nombreuses formes morbides, et parmi ces diverses formes, quelques auteurs ont évoqué également le traitement oncologique. En particulier l’observation fréquente de la répétition d’une standardisation psychique déterminée, qui a été notée également par le soussigné 1, laissait supposer à certains chercheurs une possible influence notable du psychisme dans la structure de la maladie. Non seulement cela: certains psychothérapeutes ont même proposé d’affronter la maladie oncologique avec des traitements psychothérapiques. Quelles peuvent être les justifications scientifiques permettant de tenter de traiter une altération biologique à l’aide d’une méthode psychologique?
De nombreuses écoles psychanalytiques ont élaboré des modèles qui postulent une profonde synergie corps-esprit, certaines sont parvenues à théoriser une genèse du conflit et donc une origine des pathologies psychosomatiques à un niveau prépsychique et présomatique, substantiellement énergétique.
Je dirai d’emblée qu’une telle vision des phénomènes, même supportée dans certains cas par un modèle théorique de référence élégante et cohérente, ne satisfait pas mes convictions profondes.
Dans un premier temps parce que je retiens que l’adhésion à un modèle métapsychologique est un danger notable pour la scientificité des conceptualisations.
Je désirerais préciser tout de suite que je ne nie pas que pour ceux qui les utilisent avec le détachement et la prudence nécessaires, les hypothèses métapsychologiques peuvent être des inducteurs féconds associatifs pour une investigation plus approfondie de nouvelles hypothèses de travail, mais il ne faut par oublier que “des modèles sont des modèles” c’est-à-dire des instruments facilitant le raisonnement, ce sont des organisateurs d’hypothèses et ne doivent jamais être confondus avec la réalité des phénomènes. De l’aurore de la science à ce jour, chaque modèle interprétatif a toujours subi de profondes révisions au fur et à mesure que – grâce justement à l’acquisition de nouveaux et plus puissants instruments de recherche – les connaissances de base s’approfondissaient.
Les lecteurs qui suivent mes travaux savent qu’une partie de ma formation est axée sur l’expérience clinique dérivant de la pratique durant 25 ans de la micropsychanalyse. A ce jour encore, j’attribue à cette technique une énorme efficacité thérapeutique dans la psychopathologie et la considère annonciatrice d’ultérieures et plus profondes élaborations théoriques, que je souhaite toujours plus liées à des vérifications interdisciplinaires, mais, au cours des dernières années j’ai complètement abandonné l’usage du formalisme micropsychanalytique nommé dnv-ide (dynamisme neutre du vide – instinct d’essais). Et ce, car l’absence de lois classiques et l’apparition d’une phénoménologie de type quantique à dimensions microscopiques (je traduis dans un langage physique le plus compréhensible – ce que Fanti a défini “Dynamisme Neutre du Vide”) est déjà compréhensible d’une manière simple et exhaustive avec la connaissance des grandes lignes de base de la physique quantique et il ne me semble pas nécessaire d’introduire des éléments lexicaux que l’on ne peut partager au lieu de concepts que les chercheurs de diverses disciplines peuvent aisément comprendre (ma vie durant j’ai toujours pris des distances de conventions initiatiques plus ou moins manifestes).
Sans considérer que des personnes qui n’ont pas de bagages culturels suffisamment “solides” peuvent être tentées d’attribuer, à un modèle actuellement aux confins de l’abstraction philosophique, une valeur de preuve scientifiquement certifiée.
Il est évident que de telles considérations n’embrassent pas la métapsychologie freudienne du moment que les hypothèses que Freud insère dans celle qu’il définit lui-même métapsychologie (tellement elles paraissaient osées au moment de la formulation) ont été amplement vérifiées et démontrées après plus d’un siècle de vérifications expérimentales et continuent à être confirmées également par d’autres sciences. Nous pouvons dire paradoxalement que l’entière métapsychologie freudienne est entrée de droit dans la psychologie.
Le terme “métapsychologie” se rencontre en premier lieu surtout dans les nombreuses lettres que Freud adressa à son collègue et ami Fliess. Il fût utilisé par Freud afin de définir l’originalité de sa tentative d’édifier une psychologie “… qui conduise au-delà de la conscience” par rapport aux psychologies précédentes, une psychologie désormais attestée absolument par des recherches neuroscientifiques.
Le thème freudien qui se situe pour le principal en partie entre psyché et soma, est l’argument dont nous nous occupons à présent et celui relatif à l’étiopathogenèse de l’hystérie, une affection psychique avec manifestations somatiques. Naturellement je ne nie pas qu’une synergie entre psyché et soma existe, mais mon expérience clinique me fait douter de la possibilité que des lésions organiques (pour être précis, caractérisées par des altérations structurelles et non encore fonctionnelles des cellules) puissent être rendues réversibles par un traitement psychique: les modifications de software ne solutionnent pas les dommages de hardware.

Je suis pleinement satisfait par une définition géniale forgée par le Professeur Nicola Peluffo et publiée si mes souvenirs sont exacts au cours des années 70, de psyché comme “représentation des processus somatiques“. L’hystérie, comme nous le savons tous, est une affection (pour utiliser un terme un peu désuet mais précis) “sine materia” c’est-à-dire, caractérisée par l’absence de lésions organiques; elle se manifeste par des troubles fonctionnels, absolument régressifs d’une manière pratiquement définitive avec un traitement psychanalytique.
Classique et résolue sur son origine psychogène est l’observation que les paralysies hystériques frappent fréquemment des régions qui ne correspondent pas d’une façon logique aux territoires d’innervation (un des signes sémiologiques qui nous est utile dans le diagnostic différentiel avec les paralysies organiques). L’hystérie est un récit symbolique émergeant d’un passé traumatique, un récit non seulement inconscient mais absolument préconscient: mon opinion est que, l’hystérique est conscient dans une partie de son psychisme qu’il “récite”, qu’il est d’une parfaite bonne foi, puisqu’il s’assujettit à des processus de scission qui isolent la conscience en “îlots” qui sont soustraits à l’intégration du Moi. En ce qui concerne le cancer, nous parlons de tout autre chose, il s’agit d’un processus éminemment organique qui se manifeste avec des bouleversements macroscopiques dans le soma.

Qu’a à dire la psychologie sur le cancer?

Je formule enfin une question indispensable: “Qu’ont à dire la psychologie, et l’une de ses branches plus fécondes, la psychanalyse, à propos d’une pathologie comme le cancer, c’est-à-dire d’une phénoménologie qui s’exprime à l’intérieur de structures organiques, à la fois macroscopiques ou microscopiques?
Cela est demeuré un réel mystère durant des milliers d’années, puis, durant les dernières décennies, grâce au développement de branches innovatrices de la science comme la génétique moléculaire et la protéomique, de grands pas en avant ont été faits dans la définition de ses mécanismes pathogénétiques.

Schéma des hypothèses sur la pathogenèse du cancer

cancro: teoria standardThéorie Standard: Les substances cancérogènes altèrent directement les séquences géniques de l’ADN des gènes corrélationnels au cancer. Les mutations des gènes oncosuppresseurs font diminuer ou disparaître les protéines inhibitrices de la croissance cellulaire qui normalement codifient, permettant aux cellules de survivre et de continuer à se reproduire sans limitation. En même temps, les mutations des oncogènes provoquent une hyperactivité des oncoprotéines qui agissent activant la croissance cellulaire. Cela permet de vérifier en conséquence un excès concomitant d’oncoprotéine et de carence de protéines inhibitrices qui facilitent la croissance et l’expansion d’un clone cellulaire sans inhibition jusqu’à ce que la “colonie” envahisse le tissu qui entoure l’organe d’où elle est originaire et qu’elle se dissémine.

cancro: teoria modificataTheorie modifiée: Divers facteurs peuvent désactiver un ou plusieurs gènes nécessaires pour la synthèse et la réparation de l’ADN.
Lorsque la cellule altérée se divise, des mutations casuelles qui ne se répareront plus ainsi que des milliers d’altérations géniques s’accumulent dans son génome. De même que dans la théorie standard, l’activation des oncoprotéines et l’élimination des protéines d’oncosuppression courcicuitent les mécanismes d’autodestruction de la cellule, empêchant de recourir au suicide programmé.

cancro: teoria instabilitàThéorie de l’instabilité précoce: Quelques facteurs neutralisent un ou plusieurs gènes “clef” nécessaires à la correcte division cellulaire. Lorsque les chromosomes se dupliquent des erreurs de transcriptions se produisent: quelques cellules filles acquièrent un nombre erroné de chromosomes, ou de chromosomes privés de segments déterminés, ou au contraire dotés de segments en excès. Les aberrations empirent de génération en génération. Avec de telles altérations, le temps passant, la quantité de protéine dotée de fonction d’oncosuppression diminue et se trouve au-dessous du seuil critique et des copies supplémentaires d’oncogènes peuvent déterminer une augmentation de la concentration d’oncoprotéine jusqu’à des niveaux dangereux.

cancro: teoria dell'aneuploidiaThéorie de l’aneuploïdie: Une anomalie qui apparaît durant la division cellulaire, produit des cellules filles aneuploïde (ce terme qui initialement faisait référence spécifiquement à un nombre anormal de chromosomes, est à présent utilisé dans un sens plus ample, incluant également les chromosomes avec un dépôt ou des chromosomes qui sont altérés – par exemple altérations de l’ordre du code génétique). Le chromosome altéré modifie les quantités relatives de milliers de gènes et des équipes entières d’enzymes qui normalement coopèrent pour copier ou réparer l’ADN cessent de fonctionner. La plus grande partie des cellules ainsi altérées périssent mais quelques-unes survivent et produisent des cellules filles qui sont à leur tour aneuploïde et ce jusqu’à ce que s’affirme un “clone” cellulaire aberrant qui puisse acquérir les superpouvoirs du cancer: perte de l’inhibition de contact, l’inhibition des mécanismes d’autodestruction cellulaire, capacité d’induire la croissance des vases sanguins et d’envahir d’autres tissus. 2

Ainsi que nous le constatons dans chacune des quatre hypothèses on peut admettre une altération significative de l’hardware moléculaire qui détermine un désordre dans les mécanismes de la division cellulaire et dans les signaux extracellulaires et intracellulaires qui les contrôlent.
Quelle est la place du psychique dans cette perspective? Il est évident qu’afin de pouvoir poursuivre la légitimité de l’argumentation, nous devons nécessairement trouver un “pont”, un point de rencontre, une intersection entre le psychique et l’organique. La seule hypothèse raisonnable qui à ce jour puisse être avancée est celle de l’influence du psychisme sur les mécanismes épigénétiques qui n’a jamais été démontrée directement mais qui peut être, avec beaucoup de prudence admise comme hypothèse par déduction: en littérature nous démontrons que les modifications profondes des mécanismes de libération et de réabsorption des médiateurs chimiques à la base du fonctionnement du système nerveux (sérotonine, adrénaline, noradrénaline) que quelques psycholeptiques de la dernière génération produisent, peuvent donner lieu à une succession d’événements qui déterminent de réelles et propres modifications épigénétiques. D’autre part, les études du Prix Nobel Eric R. Kandel ont théorisé la possibilité que la psychothérapie profonde peut produire des modifications stables des mécanismes épigénétiques de l’être humain (à cet égard je conseille la lecture de l’article de A. Mura “Biologie et psychanalyse: Lisant Kandel” publié également dans cette revue).
Le problème est que, lorsqu’une modification somatopsychique parvient à déterminer une altération de l’expression génique ainsi profonde et diffuse telle que celle qui se vérifie dans le processus néoplastique, nous passons, pour employer une métaphore cybernétique qui m’est chère, d’une détérioration du “software ” (qui est potentiellement toujours réparable) à une détérioration du hardware (qui n’est plus réparable même en rétablissant le code software, et malgré les interventions sur la structure cellulaire).
C’est là que réside le nœud du problème et que tous ceux qui s’occupent en psychanalyse ou dans d’autres types de psychothérapie, pour des raisons multiples de malades néoplastiques, ne peuvent scotomiser. En particulier, la manœuvre conduit à l’égarement et il peut donc résulter une conception des phénomènes qui mette sur le même plan c’est-à-dire équivalents et transitoires, le somatique et le psychique; pour employer des termes plus explicites, l’illusion que l’élaboration psychique puisse déterminer des modifications ainsi profondes dans la structure somato-psychique de l’être humain conduisant à la réparation de “dégâts” génomiques étendus. Il convient de rappeler que s’il existe un état potentiel de transition matière-énergie au niveau quantique, il disparaît au niveau des objets macroscopiques.

Sans oublier, entre autres, que la dimension atomique n’est certes pas le règne du “tout est possible” ainsi que certains à tort le croient: Erwin Schrödinger nous rappelle “… Nous devons admettre qu’un petit système (dans l’ordre de grandeur de l’échelle atomique – NDR) puisse pour des raisons de principes inhérents à sa propre nature posséder seulement des quantités discrètes d’énergie qui prennent le nom de niveau énergétique du système; si un certain nombre de noyaux atomiques, avec leur entière garde du corps d’electrons viennent s’unir afin de former un “système”, ils ne peuvent de par leur nature assumer une quelconque configuration arbitraire parmi toutes celles qu’il est possible d’imaginer. Leur nature leur permet de choisir seulement entre une nombreuse mais toujours discrète série d’ ‘états’ “3
Même le vide quantique subit l’influence de quelques constantes de l’Univers: la constante de Planck, la vitesse de la lumière, la constante gravitationnelle.

Quelle peut donc être la contribution que la psychanalyse peut apporter à un malade atteint de cancer? Je retiens que le noyau de quelque forme de psychopathologie soit l’impact et l’élaboration de l’angoisse de mort. On comprend donc aisément comment chez un sujet atteint d’une maladie néoplastique maligne se déclenche immédiatement une activation massive des mécanismes de défense psychiques, surtout ceux proches de la psychose, le déni et la négation. Le déni de la maladie est toujours et dans tous les cas un problème grave, il est aisément compréhensible que dans une forme pathologique comme le cancer un diagnostic précoce et le traitement approprié immédiat sont d’une importance fondamentale afin d’endiguer les progrès de la maladie!
Le psychothérapeute qui suit un malade cancéreux aurait tout intérêt à se libérer de vécus d’omnipotence et à se souvenir qu’il peut faire énormément pour le malade (redimensionner et lénifier son angoisse de mort) mais il doit se tenir hors du champ de la maladie organique. Son intervention devra être orientée avant toute chose vers l’affrontement et la recherche de solutions destitnées à amener le malade à reconnaître son état et à accepter les traitements que la médecine est à même de lui offrir, même si ceux-ci ne sont pas encore tout à fait au point d’une part et certainement encore douloureux et invalidants.
L’effet thérapeutique de la psychanalyse consiste dans la clarification de l’information à l’intérieur de l’unité somato-psychique: l’élimination d’informations aberrantes nées d’une méconnaissance due à l’immaturité de l’appareil psychique en formation, libération d’accumulations énergétiques qui n’ont pas trouvé de modalité physiologique de décharge, redimensionnement des “vécus d’omnipotence narcistique. La décomposition des composants psychiques se complète avec une synthèse supérieure des contenus représentation-affectives. L’intervention psychanalytique sera précieuse pour éliminer les investissements hystériques sur les organes source-but. De tels investissements neutralisables avec le traitement psychanalytique provoqueraient sinon des souffrances ultérieures et une aggravation du cadre symptomatologique.
Son champ d’enquête reste selon moi exclusivement le psychique 4; je souhaite, ainsi que Freud l’a à plusieurs occasions affirmé, que la psychanalyse laisse le soin à la médecine de s’intéresser aux maladies organiques et aux tentatives thérapeutiques y relatives. Cela ne signifie pas qu’elle ne puisse apporter une contribution thérapeutique valide aux manifestations psychopathologiques qui souvent se manifestent lors d’une maladie multifactorielle comme le cancer.

Ecrit par: Quirino Zangrilli © Copyright

Traduction de Liliane Salvadori

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Copyright Videografica di Q. Zangrilli: Tutte le immagini a corredo dell’articolo sono coperte da copyright.

Notes:

 “La standardisation psychique des sujets atteints de néoplastique et la nette familiarité des formes qui ne dépendent pas d’inductions externes (radiations, agents chimiques, etc…) effectivement montrent des sujets présentant des relations affectives de type symbiotique qui déjà avant que se développe la maladie ont expérimenté une situation de perte (psychique ou somatique) importante” (voir “La vie: enveloppe vide” – Q. Zangrilli, Borla, Rome, 1994)
2 W. Wayt Gibbs, Alle radici del cancro, Le Scienze, 2003. 
3  Erwin Schrödinger, “Qu’est ce que la vie?”, Cambridge University Press, 1944 
4  A la base des synergies du plan psychique et de celui somatique mises en rapport et transférées du Système psycho-immuno-neuro-endocrinien, il est évident qu’il y aura toujours des “retombées” dans le soma, mais elles ne peuvent être directement l’objet de comportement psychanalytique.