Communication présentée aux Journées de Printemps de la SFPE :
“Le Noir et le Blanc. En thérapie comme en esthétique”
23 et 24 juin 2001, Chalon sur Saône
Publiée dans la Revue Française de Psychiatrie et de Psychologie Médicale,N° 67, tome VII, juin 2003.
Reproduite ici avec l’aimable autorisation des Editions MF : 8, rue Tronchet, 75008 Paris
La créativité intéresse le psychanalyste autant sous l’aspect clinique que thérapeutique, puisque créer peut aussi bien être un symptôme névrotique qu’une manière d’échapper à la névrose. Dans « Pour introduire le narcissisme », Freud cite ces vers de Heine : « c’est la maladie qui a été la cause dernière de toute la poussée créatrice ; en créant je pouvais guérir, en créant j’ai trouvé la santé. » (Freud, 1914). Dans ses « Trois Essais sur la théorie de la sexualité », Freud montre qu’il existe trois issues possibles pour la sexualité infantile : la voie directe, perverse, la voie défensive, névrotique et la voie sublimée, qui résulte d’un désinvestissement des objets et des buts infantiles au profit de productions socialement valorisées (Freud, 1907).
La sublimation décrit donc la dimension non pathologique du processus créateur. Elle fournit une satisfaction substitutive à un désir inacceptable ou permet d’exprimer un fantasme inconscient de manière conforme aux valeurs supérieures du moi. La sublimation « permet qu’une activité culturelle, quelle qu’elle soit, soit effectuée d’une manière aconflictuelle, c’est-à-dire dégagée des liens conflictuels qui l’unissent aux fantasmes infantiles. » (Flournoy, 1967).
Pour Freud, ce sont les fixations sexuelles qui trouvent dans la sublimation une voie physiologique d’expression. Cependant, Melanie Klein a établi que l’agressivité inconsciente détermine elle aussi la créativité dans la mesure où celle-ci vise à réparer les objets internes détruits fantasmatiquement par l’envie (Klein, 1957). Mais la sublimation de l’agressivité ne se cantonne pas au domaine fantasmatique. Il semble que toute pulsion agressive puisse se sublimer (Lysek, 1997).
Au cours d’un travail analytique ou psychothérapeutique approfondi, on observe souvent que des formations de symptôme tendent à se transformer en activité créatrice. Selon nos observations, c’est la levée d’un refoulement qui amorce le développement d’un processus créateur. Nous avons ainsi été amenés à supposer que la créativité serait une disposition naturelle qui pourrait s’exprimer en chacun si elle n’était pas bloquée. A partir de là, nous avons été amenés à supposer que l’absence de créativité pourrait provenir d’un refoulement des dispositions créatrices. En effet, un dynamisme créatif commence à se développer quand le refoulé cesse de faire retour dans des répétitions compulsives et stéréotypées ; l’énergie bloquée dans des représentations traumatiques se libère, se déplace et s’investit alors dans des expressions originales.
L’évolution thérapeutique vers la créativité s’inscrit bien dans le thème de ces journées d’étude parce qu’elle ressemble à un passage de l’obscurité à la clarté. On peut comparer la créativité à une onde lumineuse et le refoulement à un trou noir qui attire cette onde à lui et l’emprisonne ; un jaillissement de créativité serait une onde qui lui échappe, donnant ainsi un point blanc.
Or, il nous semble que ce processus ne se superpose pas à la sublimation. Il paraît plus libre : il se développe plus spontanément et ses manifestations sont moins prévisibles. En cela, nous nous situons dans la ligne des travaux de J. Chasseguet-Smirgel, pour qui le processus créateur « a une fonction dont la portée dépasse celle de la sublimation. En fait il s’agit, au moyen de l’acte créateur, d’accéder à l’intégrité en passant par un faisceau de décharges pulsionnelles sublimées. » (Chasseguet-Smirgel, 1971).
Comment définir la créativité qui nous intéresse ici ? Ce n’est pas facile, car on ne trouve aucun consensus dans la littérature. Les psychanalystes cherchent moins à comprendre la créativité en soi qu’à repérer les manifestations de l’inconscient dans le contenu des œuvres. Qu’ils s’intéressent au créateur ou à ses productions, ils se focalisent sur les mécanismes inconscients (tels le déplacement, la sublimation, la réparation ou la figuration) qui permettent à l’indicible d’apparaître au grand jour.
Jung s’est aussi penché sur la créativité. S’il nous a éclairés sur le fonds collectif dans lequel le sujet puise pour créer, il nous informe peu sur le processus individuel de la création. En effet, il nous pousse à aller « bien au delà de l’individu » car « l’œuvre jaillit d’un processus créatif impersonnel » : « le processus créatif consiste en une animation inconsciente d’un archétype, dans son développement et dans sa formation jusqu’à la réalisation complète de l’œuvre. Donner forme à l’image primordiale revient à la traduire dans le langage présent ; c’est par l’intermédiaire de cette traduction que chacun peut trouver l’accès aux sources les plus profondes de la vie qui seraient autrement interdites. » (Jung, 1922).
Même les auteurs d’inspiration cognitivo-comportementaliste s’avouent embarassés : « La créativité est aujourd’hui un des termes les plus ambigus, vagues et confus dans le champ de la psychologie et de l’éducation. » (Ausubel, 1983). D’autres cognitivo-comportementalistes sont encore plus perplexes : « Malgré l’énorme prolifération de recherches, la créativité a été définie et décrite de manière très diverse, si bien qu’est pas facile de trouver dans la littérature un accord sur une définition […]. » (Mazottta & Olmetti, 1983).
Pour notre part, nous nous situons dans la lignée psychanalytique. Nous cherchons aussi à dégager les contenus inconscients des œuvres, mais dans ce travail nous tentons plutôt de comprendre ce qui entrave ou favorise la créativité. Nous nous servons donc d’une définition large, formulée en termes concrets et facilement utilisable dans la pratique : la créativité consiste à fournir des productions nouvelles et originales par rapport à soi-même, à l’environnement immédiat et à la société en général.
Ainsi conçue, la création se ramène à une recomposition ; elle réorganise de manière inédite des éléments inconscients, ce qui ouvre la voie à une réalisation concrète innovante. Précisons qu’elle ne se limite pas aux productions artistiques ou littéraires. La création n’est pas nécessairement matérielle, le processus créateur peut porter sur n’importe quel aspect de la vie. Mais il doit aboutir à une production originale et tangible dans la réalité extérieure. Enfin, il faut qu’il soit ressenti positivement par le sujet et par d’autres (par son entourage ou par un groupe social). Cette définition peut donc inclure un nouveau mode de relation à autrui, une nouvelle manière d’organiser son temps ou son espace, une nouvelle façon d’organiser son travail, pourvu que ce changement n’en reste pas au plan mental. Elle exclut donc les productions fantasmatiques, parce qu’elles ne se jouent pas dans la réalité, et les symptômes, parce qu’ils n’ont pas l’assentiment du moi.
Pour les théories cognitivo-comportementalistes de l’apprentissage (Meazzini, 1984), la créativité peut s’apprendre, mais elle est la plupart du temps inhibée par l’éducation. Selon elles, on pourrait développer la créativité en récompensant l’originalité au lieu de récompenser les réponses standard. Ces théories sont séduisantes, mais malheureusement elles ne prennent pas en considération les blocages liés au refoulement. Or, cette dynamique inconsciente peut mettre en échec tout apprentissage. Inversement, répétons-le, l’expérience montre qu’un déblocage inconscient conduit souvent à des manifestations créatives : on observe la transformation de symptômes en actes originaux et épanouissants.
Avant d’aller plus loin, il n’est pas inutile de préciser le cadre de notre pratique, puisque nos observations résultent de ce cadre. Nous exerçons la micropsychanalyse et la psychothérapie qui en dérive. Fondée par Fanti il y a plus de trente ans, la micropsychanalyse est une forme de psychanalyse freudienne. Mais elle innove sur plusieurs points :
D’une part, les séances sont nettement plus longues et plus fréquentes que dans la technique classique : ce sont des séances de 2 à 4 heures d’affilée, et leur rythme est de 4 à 6 par semaine.
D’autre part, le travail analytique est stimulé par l’étude en séance de documents personnels : photographies, arbre généalogique, plans des lieux où l’on a habité, dessins, etc. Ces appoints techniques sont introduits à des moments précis du travail analytique pour nourrir les associations libres et favoriser la prise de conscience de dynamismes inconscients.
Une micropsychanalyse peut se faire de manière continue ou par tranches de quelques semaines séparées par des intervalles de plusieurs mois sans séances. C’est donc une technique à la fois concentrée et souple : le rythme adopté tient compte des disponibilités et du profil de chacun.
Ce nouveau setting a permis des observations originales qui ont conduit Fanti à repenser la théorie classique. Il a cherché en particulier à remonter plus loin dans le développement psychique de l’être humain. C’est ainsi qu’il a postulé l’existence d’un stade fœtal du développement (stade initiatique) et qu’il a donné une plus large part à l’héritage ancestral dans la constitution de l’inconscient. Tel que nous le concevons, l’inconscient n’est pas seulement d’origine infantile, il est aussi d’origine fœtale et phylogénétique (Fanti, 1981).
Ceci précisé, revenons à la créativité. Le processus créateur permis par levée du refoulement jouit d’une assez large liberté : il entretient un rapport souple avec l’inconscient. Les productions qui en résultent sont évidemment fonction de la structure du sujet et de son histoire personnelle ou familiale. Elles traduisent bien des désirs et des fantasmes inconscients, mais elles n’ont pas le caractère répétitif des symptômes névrotiques. C’est d’ailleurs compréhensible, car ils se développent quand le travail analytique est déjà avancé. Le complexe d’Oedipe a été analysé et le sujet s’est affranchi de ses contraintes.
Le clinicien distinguera facilement cette créativité des fantaisies compensatoires du névrosé qui réalise sur le plan imaginaire ce qui lui est défendu dans la réalité. Il n’y décèlera ni angoisse, ni culpabilité, ni sentiment d’infériorité. Il constatera que ces créations s’expriment sans grande souffrance, ni renoncements majeurs ; qu’elles sont adaptées à la réalité et procurent de la satisfaction, sans dépendre exclusivement du principe de plaisir. Cela les distingue également des productions perverses dont l’accomplissement, impérieux et stéréotypé, se fait au mépris de l’autre et des valeurs socioculturelles.
En introduction, nous proposions de distinguer la créativité de la sublimation. Plusieurs éléments de la pratique nous y incitent. L’analysé décrit souvent la créativité qui se développe en lui comme une lumière dans son existence, il se sent affranchi des sombres machinations de sa névrose. Son activité créatrice tend à diminuer ses tensions intérieures, elle lui donne un sentiment de plénitude. S’il y a apprentissage, il se fera avec une certaine légèreté.
Lorsqu’on étudie la sublimation, on observe au contraire des renoncements, un cheminement obscur nécessitant une grande discipline, l’attente souvent pénible d’une satisfaction ; on y trouve passablement de routine, des exercices souvent fastidieux. Tout cela ne sera jamais aussi répétitif que des symptômes, mais le processus créateur qui nous intéresse ici jouit d’une plus grande liberté. Quant au rapport à la libido, il diffère aussi : alors que la créativité porte clairement les marques de la recherche du plaisir, ce rapport est plus indirect dans la sublimation.
Effectivement, la sublimation est une défense réussie (Fenichel, 1945). Même si ce processus fait partie de la normalité, il porte sur des buts pulsionnels inavouables et sur des objets interdits ; il implique donc une répression des buts originels et un renoncement aux objets les plus satisfaisants. En un mot, des déplacements, qui ne procureront au mieux qu’un plaisir relatif. Puisque la sublimation fait partie d’une organisation défensive, elle est passablement prédéterminée par les identifications inscrites dans l’idéal du moi. Donc, elle exprimera plus les exigences du surmoi que le bouillonnement du ça. De son côté, la créativité semble plutôt en syntonie avec les désirs ; elle ressemble à un jaillissement énergétique du ça ; elle a la forme d’un mouvement utilisant les ressources d’un moi suffisamment souple pour se modeler à la réalité. Ainsi, la créativité nous paraît plus primaire que la sublimation.
Un exemple l’illustrera. Il s’agit d’un homme de 35 ans, de niveau universitaire, marié et père de 2 enfants. Sa demande d’analyse est motivée par une souffrance morale qu’il rapporte à un manque d’autonomie, à l’impression d’être totalement phagocyté par son travail et d’être écrasé par son entourage. Il se sent exploité par son père, qui est aussi son employeur dans l’usine familiale. Il se plaint du travail subalterne qui lui est imposé, mais il ne peut rien y faire : il travaille comme une bête de somme et ne trouve aucun moyen d’améliorer sa situation. Sa vie de famille est réduite et monotone.
L’anamnèse révèle qu’il a été un enfant obéissant, éduqué à la dure par une mère sévère, qui le punissait et le frappait souvent. Subir la violence a été le seul moyen d’être en relation avec sa mère et de se sentir exister pour elle ; il a d’ailleurs fini par érotiser ce rapport. Avec son père, la relation est ambivalente, faite d’un mélange d’admiration, de crainte et de haine. Au plan diagnostique, l’ensemble des éléments recueillis oriente vers une névrose obsessionnelle, avec une organisation anale où prédominent des fixations homosexuelles et sadomasochistes.
Cette analyse fut longue et rencontra de nombreux obstacles. Mais le refoulement pesant sur les désirs homosexuels et sadomasochistes a fini par céder. Dès lors, plusieurs changements ont eu lieu. D’abord, l’analysé a progressivement réorganisé sa vie professionnelle : il allège ses horaires et il se débarrasse des tâches qui ne correspondent pas à sa formation. Peu à peu, il ose faire valoir ses désirs face à son père et, un jour, il profite d’une circonstance inattendue pour se faire confier un poste de direction. C’est là que sa créativité donne toute son ampleur : il restructure l’usine, développe une nouvelle image de la société et impose de nouveaux produits.
Parallèlement, quelque chose change quant à ses loisirs. Il constate la disparition des rituels compulsifs qui envahissaient, auparavant, tout moment de détente. D’autre part, il n’a plus goût au sport nautique dangereux qu’il avait pratiqué de manière effrénée. Ses rapports à son entourage sont désormais moins froids ; il prend plaisir à découvrir la nature avec ses enfants et il peut accepter une certaine fantaisie dans sa vie de couple. Il découvre qu’il éprouve des émotions.
La longueur de cette analyse n’a pas seulement tenu aux difficultés à vaincre les résistances anales. Il a aussi fallu analyser un refoulé encore plus archaïque, à savoir un traumatisme lié à la naissance. En effet, il est apparu au cours du travail que l’inconscient de cet analysé portait la marque d’une naissance particulièrement difficile. Il est venu au monde cyanotique, presque mort-né ; il est resté longtemps entre la vie et la mort. Un rêve de fin d’analyse permettra de mieux percevoir comment ce traumatisme a été élaboré au fil des séances. Voici le récit qu’en a fait l’analysé lui-même :
« Devant ma fabrique se trouve un camion plein de sable à décharger. Il fait nuit noire et je suis seul pour effectuer ce travail immense. Je commence par décharger le sable avec les mains, puis je découvre qu’en employant une pelle, je me facilite grandement la tâche. Il fait jour désormais et je regarde alentour : au lieu des hangars gris, ces sont des maisons toutes blanches, comme dans les pays du sud. Je m’aperçois qu’il y a là une sorte de toboggan que je peux utiliser pour me faciliter encore plus le travail. Je le positionne sans difficulté et le sable glisse d’un coup par terre. »
Ce rêve est différent de tous ceux qu’il a apportés jusque là. C’est la première fois que l’analysé se représente faisant quelque chose d’un seul coup, sans effort. Les associations qui viendront ensuite indiquent que le rêve corrige le vécu angoissant de sa naissance. Bien plus, ces associations relèvent une autre originalité du rêve : pour la première fois l’analysé parle de paysages ensoleillés et de maisons baignées de lumière ; de manière également nouvelle, le blanc fait son apparition, avec une connotation agréable. L’analysé en fait le symbole de sa vie actuelle et relie cet éclaircissement au développement de sa créativité. Une catamnèse a pu être faite, car l’analysé a été revu plusieurs années après la fin de son analyse : la créativité s’est maintenue et s’est même accrue au fil des ans.
Ce cas tend à montrer qu’une levée du refoulement permet le développement d’un processus créateur, qui s’exprimera aussi bien dans la vie onirique que dans les activités du sujet. Il indique aussi que cette créativité parvient assez souvent à prendre corps dans la réalité, à se concrétiser en productions tangibles. Lorsque ces actes créateurs sont suffisamment investis, ils constituent des expériences qui laissent des traces psychiques : ils créent de nouvelles représentations mentales ou modifient celles qui préexistaient. Ainsi, le moi se renforce et gagne du terrain sur le refoulé. Ces traces seront à leur tour thérapeutiques, parce qu’elles augmentent les possibilités d’expression du sujet. Le renforcement du moi peut contribuer à contrecarrer de futurs refoulements en ouvrant des voies de décharge à l’inconscient. En d’autres termes, elles lui donnent une plus grande liberté d’action et peuvent éviter au sujet de se réengager dans ses répétitions névrotiques.
Au plan théorique, nous émettons l’hypothèse suivante : la créativité serait une dynamique intrinsèque à l’être humain, distincte de la formation de symptôme comme de la sublimation. C’est probablement pour cette raison qu’elle fleurit autant dans l’activité onirique que dans les activités éveillées. En effet, les observations micropsychanalytiques suggèrent que le rêve est bien plus qu’une mécanique à réaliser des désirs. Il apparaît comme une activité cardinale (Fanti, 1981) : il semble pouvoir réactiver les vécus utéro-infantiles mémorisés dans l’inconscient ; il les ferait se répéter psychiquement en les remettant en scène de manière plus ou moins originale ; il rallumerait aussi des séquences de mémoire phylogénétique et les prolongerait jusqu’à désexcitation. Soit dit en passant, nous rejoignons là certains travaux neurophysiologiques (Jouvet, 1992).
Enfin, le rêve paraît réorganiser des imprintings psychiques et en former de nouveaux lorsqu’il intègre l’expérience analytique. Par imprinting psychique, nous entendons des traces durables laissées dans l’appareil psychique (sous forme de représentations et d’affects) par des expériences suffisamment intenses pour être mémorisées dans le vécu du sujet (Gariglio, 1992, 1997). L’expérience de la naissance dont nous avons parlé tout à l’heure en serait un exemple.
En conclusion, tout indique que l’activité onirique puise des matériaux dans le sombre fonds inconscient, les restructure énergétiquement, puis les façonne en contenus aptes à émerger au grand jour. Or, nous pouvons dire la même chose de la créativité qui était obscurcie par le refoulement et qui s’exprimera grâce au travail analytique. Nous pensons donc que la créativité a les mêmes caractéristiques que le rêve et qu’elle suit les mêmes lois. La formation d’un nouvel imprinting, qu’elle advienne par le rêve ou par l’activité créatrice de l’état éveillé, constitue une voie originale d’abaissement de tension. L’énergie qui s’écoule par cette nouvelle voie diminue la pression du refoulé cherchant à faire retour. Le refoulé cesse ainsi d’être un trou noir qui avale la créativité, condamnant le sujet à l’obscurité de la répétition-symptôme. Grâce aux nouveaux imprintings, le moi gagne du terrain sur le ça et il peut mettre en acte, sous mille formes diverses, des éléments inédits de notre histoire ontogénétique et phylogénétique. Il peut transformer le noir en toutes les nuances de l’arc-en-ciel
Daniela Gariglio, Daniel Lysek
© Editions MF, Paris
Resumé
On peut actuellement soutenir l’hypothèse que la créativité est une faculté humaine universelle. L’absence de créativité résulterait ainsi d’un processus d’inhibition obscurcissant le potentiel créatif.
Tout se passe comme si les actes créateurs étaient bloqués par refoulement. Lorsqu’une analyse ou une psychothérapie parvient à lever le blocage, on assiste au développement spontané d’une activité créatrice. La non-créativité pourrait donc être assimilée à un symptôme névrotique, qui peut être douloureux et gênant.
L’expression d’une créativité est souvent vécue par le sujet comme une lumière dans son existence. Il la décrit par exemple comme un cheminement de l’obscurité à la clarté, cela ne cadre pas avec la sublimation, qui évoque renoncement ou souffrance.
Les auteurs émettent l’hypothèse que la créativité est un phénomène distinct de la sublimation et plus primaire qu’elle. Avec un exemple clinique, ils s’appuient sur la théorie micropsychanalytique pour établir un parallèle avec le travail du rêve. Pour la micropsychanalyse en effet, le rêve puise des matériaux dans le sombre fonds inconscient et les façonne en contenus psychiques aptes à paraître au grand jour. La créativité semble faire de même
Mots clés:
créativité
sublimation
refoulement
rêve
micropsychanalyse
Summary
From darkness to light: therapeutic evolution from the formation of a symptom to creativity
Creativity is considered to be today a universal human faculty. The absence of creativity could come from a process of inhibition obscuring the creative potential.
Clinical evidence appears to show that creative acts are blocked by repression. When an analysis or a psychotherapy can remove the blockage, a spontaneous development of creative activity may be observed. The absence of creativity could therefore be similar to a neurotic symptom, which may be painful and disturbing.
Creativity is often perceived by the subject as a “light in their life”. For instance the subject describes it as a passage from darkness to light. This doesn’t conform with sublimation, which implies loss or pain.
The authors propose the hypothesis that creativity is a phenomenon different from, and more primary than, sublimation. Using a clinical example and based on micropsychoanalytical theory, they establish a parallel with dream work. According to micropsychoanalysis, dreams extract elements from the dark unconscious and shape these elements into psychic contents ready to emerge. Creativity seems to follow the same process.
Key words:
creativity
sublimation
repression
dream
micropsychoanalysis
Références bibliographiques:
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La Dott.ssa Daniela Gariglio, nata a Padova nel 1947, lavora a Torino come libera professionista, docente e scrittrice. Psicoanalista (Didatta SIM, Società Internazionale di Micropsicoanalisi), già Insegnante di Lettere di ruolo, è Psicologa-psicoterapeuta, iscritta all’Albo dal 1989, N. 412.
Formatasi in Psicodramma analitico (lacaniano-junghiano), Psicoterapia cognitivo-comportamentale, Autogena e Psicoterapie brevi a indirizzo psicodinamico, completa la sua formazione psicoanalitica individuale con il metodo micropsicoanalitico e la supervisione del Prof. Nicola Peluffo (docente Psicologia dinamica, Facoltà di Psicologia, Torino), integrando tali esperienze nell’attività di Consulenza/Formazione, nella docenza di Discipline psicologico-psicoterapeutiche in Specializzazioni Ministeriali Polivalenti (1983-1992) e nell’attività psicoanalitica preminente.
Studiosa delle potenzialità creatrici, osservate nel campo analitico e reale (cfr. “Creatività come benessere psicobiologico” (https://www.psicoanalisi.it/osservatorio/5930/), lo testimonia in lavori e libri (cfr. il primo, Dopo. L’energia per vivere, L’Autore libri, 1997, https://www.psicoanalisi.it/libri/3716/ ), anche ideando e realizzando la Collana “I Nuovi Tentativi”, Tirrenia Stampatori (1999-2002; cfr. 2000 https://www.psicoanalisi.it/libri/4558/). Sull’argomento, con il Dottor Daniel Lysek, scrive Creatività benessere. Movimenti creativi in analisi (Armando, 2007, https://www.psicoanalisi.it/libri/3605/), approfondendone la modellistica in occasione di convegni/manifestazioni, recensioni e contributi in Riviste, tra cui: Bollettino IIM, a cura di Luigi Baldari, Psicoanalisi e Scienza, diretta dal Dottor Quirino Zangrilli, Anamorphosis (2009-2013) a cura di Wilma Scategni e Stefano Cavalitto,
Sempre in tal contesto, ha collaborato con International Association Fort Art And Psychology (Convegni, 2010-2011-2019), partecipato a 3 Convivium, a cura di Zangrilli, Alviani (2015-2017) ed evidenziato in psicoanalisi-archeologia le “tracce di benessere nell’arte preistorica” (Centro Camuno, Prof. Anati, Valcamonica Symposium 2009-2011, Gariglio, Lysek, Rossi) e nell’ “inesprimibile genealogico” (https://www.micropsicoanalisi.it/solitudine-elaborazione-dellinesprimibile-genealogico-e-creativita-una-conferma-in-max-guerout-e-gli-schiavi-sopravvissuti-a-tromelin/). Dal 2016, trasmette: “Creatività tra trauma resilienza e benessere” (“Micropsicoanalisi: teoria e tecnica”, corso diretto e coordinato Dott.ssa Bruna Marzi), in Corso di Specializzazione in psicoanalisi, psicoterapia psicoanalitica e consulenza psicoanalitica (Istituto Universitario di Psicoanalisi di Mosca, in collaborazione continua con IIM). Ha ideato (2017) e dirige la Collana Tracce di benessere ricombinate… (tbr) illustrata da Albertina Bollati, Araba Fenice (cfr. https://www.psicoanalisi.it/libri/7415/). In “Bibliografie dei Membri dell’IIM” (micropsicoanalisi.it), la progressione dei lavori.
Nel dibattito psicoanalitico contemporaneo, Gariglio ha tentato di mostrare che ragione e sentimento, esprimibili nella cultura scientifica e in quella umanistica, possono integrarsi creativamente.